L’île continent en auto-stop

L’Australie est une destination qui fait rêver bon nombre d’Européens. Située à l’autre bout du monde dans l’hémisphère Sud, l’île continent est réputée pour ses plages paradisiaques et sa faune particulièrement dangereuse…


Nouveau pays, nouvelles inquiétudes

Ces derniers jours je n’ai pas arrêté de penser à ce que je ferais si un serpent venimeux se glissait dans mon sac de couchage ou si une méduse mortelle venait au contact de ma peau. Mais ce n’est pas tout ! Il y a aussi des araignées qui vous tuent en quelques minutes, des crocodiles qui surgissent de nulle part et des requins à la recherche d’un casse-croûte. Destination paradisiaque m’avait-on dit…

En temps normal ces bestioles ne m’auraient pas plus inquiété que ça. Nous vivons dans un monde tellement aseptisé que la probabilité de croiser de tels animaux à proximité du béton des villes est infime. C’était sans compter sur cette idée qui m’a traversé l’esprit il y a quelques jours : faire le tour de l’Australie en auto-stop !

Plus je voyage et plus je réalise que le tourisme « classique » ne m’intéresse pas. J’ai perdu l’excitation de rechercher les points d’intérêt d’un pays sur internet (ce qui signifie voir le lieu avant de s’y rendre), d’aller prendre sa photo dans une marée de touristes et rentrer aussitôt à l’hôtel. Autant rester dans son canapé et regarder un documentaire bien narré dont les prises de vue ont été réalisées dans des conditions optimales. Un élan de cynisme me pousserait même à affirmer que certaines attractions ont tendance à se ressembler et mes attentes n’ont fait que s’élever au rythme des voyages. Il reste cependant une chose qu’il est impossible d’expérimenter depuis son nid douillet : les autochtones. Et quoi de mieux que l’auto-stop pour rencontrer une large panoplie des habitants d’un pays ?


Atterrissage réussi !

Les premiers colons britanniques et leurs successeurs ont réalisé une longue série d’erreurs involontaires quant à l’environnement de l’Australie. L’introduction des lapins a chamboulé la végétation et celle des renards pour réparer l’erreur précédente a grandement porté atteinte à la faune locale. Le fragile écosystème australien a aussi subi de nombreuses invasions florales volontaires ou accidentelles. Forte de toutes ses erreurs passées, l’Australie possède désormais une douane avec un niveau de bio-sécurisé parmi les plus élevés au monde : fouilles minutieuses, machines ultra-sophistiquées, chiens de détection, etc… Ainsi le canin de la brigade n’a aucun mal à détecter la nourriture présente dans mon sac. Son acolyte humain m’écarte des autres passagers pour fouiller mon bagage. Mon banana cake ne représente aucune menace pour l’écosystème australien et je suis libre de partir. J’ai remarqué que tous les employés de l’aéroport (douaniers compris) sont particulièrement accueillants ce qui est bon signe pour la suite.

La première bouffée d’air hors de l’aéroport est un véritable plaisir. Un hiver ensoleillé à vingt degrés sans humidité est un bonheur après avoir passé des mois dans l’humidité tropicale asiatique. Je n’attends pas longtemps avant que la première voiture s’arrête et m’extirpe des griffes de la ville. Le stop paraît être un jeu d’enfant. Le second conducteur me fait visiter son village avec sa plage de surfeurs. Tout est beau, les espaces publics sont impeccables et les gens souriants. Je reste en admiration devant le blowhole de Kiama. L’eau est projetée à des dizaines de mètres dans le ciel par la houle s’infiltrant dans une cavité rocheuse. 

Kiama Church Point

Il commence à se faire tard et je ne rêve que d’une chose : jeter mon sac de couchage par terre et dormir. Les deux dernières nuits passées dans des aéroports à somnoler plus celle dans l’avion où je n’ai pas pu fermer l’œil m’ont épuisé. Alors qu’il s’arrête chez lui pour demander quelque chose à sa femme, Marc revient en me proposant de dormir chez lui. Morphée devra attendre car un couple d’amis vient dîner et Emma sa fille a invité six de ses amies pour passer le week-end. Je me retrouve à savourer un délicieux repas en bonne compagnie. Premier étonnement : ils ont du bon vin et du fromage en Australie !


Décision prise

Les filles me déposent le lendemain dans le village le plus proche. J’y découvre un lieu authentique. Tous les bâtiments sont faits d’un seul étage.  Beaucoup sont en bois et rappellent l’architecture coloniale du XIXe siècle. Les habitants savourent leur café en profitant des premiers rayons du soleil après une nuit relativement fraîche. Je ne peux m’empêcher de demander à Emma si tous les villages australiens sont comme celui-ci. C’est en fait la proximité de Sydney qui a tendance à apporter des capitaux et une population distinguée dans ces petits recoins d’Australie.

Les conversations dans les véhicules évoquent pour la plupart les violents incendies de 2019 qui touchèrent cette région de l’Australie. Mon œil néophyte n’aurait jamais pu dire que tous ces territoires sont partis en fumée il y a peu. La forêt a repris ses droits et ne semble pas avoir été modifiée depuis des dizaines d’années. En fait, la flore australienne s’est adaptée aux feux qui ravagent le continent depuis des millénaires si bien que certaines espèces végétales ont besoin de la combustion pour se reproduire. Les aborigènes utilisent aussi le feu pour gérer le bush. De petits brasiers contrôlés permettent de brûler régulièrement le combustible au sol et ainsi éviter les immenses incendies dévastateurs. Les troncs calcinés qui avaient fait la une des journaux télévisés du monde entier ont désormais retrouvé leur fourrure verdoyante.

Dans les villes de taille moyenne et les villages, les passants se saluent systématiquement. Je reste surpris à chaque fois que quelqu’un me dit bonjour. Le seul autre endroit au monde où j’ai pu observer un tel comportement, c’était lorsque je randonnais dans les montagnes françaises. Des gens sympathiques, un hiver plus que clément et des paysages magnifiques, j’ai fini par trouver le paradis !

Je patiente rarement plus de vingt minutes avant qu’une voiture s’arrête. Je n’étais pas entièrement convaincu de mon entreprise avant d’atterrir dans le pays, mais je suis désormais sûr de moi : je ferai le tour de l’Australie en auto-stop ! 


En route vers l’hiver austral

À mesure que je m’éloigne de Sydney, la situation change. La Prince Highway qui suit la côte est désormais beaucoup moins fréquentée et la durée d’attente au bord de la route augmente significativement. Je suis déjà à plus de 500 km au Sud de Sydney et les températures nocturnes se font ressentir. Dans l’hémisphère Sud, les saisons sont inversées et le mois de juillet correspond à la fin de l’hiver. Ce soir-là, je suis déposé au milieu de nulle part. Les bâtiments du hameau se résument à quelques habitations, un bar barricadé et un hôtel abandonné. Heureusement, il y a un terrain de camping public et gratuit. Quelques voyageurs australiens ont déjà installé leur campement pour la nuit. Je m’empresse de casser-la-croûte dans la demi-pénombre car il commence à faire froid. Un homme me conseille de dormir sur la dalle en béton de l’abri du club de tennis. Je suis la recommandation et m’endors rapidement. La nuit glaciale me pousse à adopter la position chien-de-fusil pour conserver ma chaleur corporelle. Cela fait bien longtemps que mon corps n’avait pas été soumis à de telles températures.

Au petit matin un homme préoccupe par la précarité de mon campement constitué d’un sac de couchage et d’une enveloppe (bivy) pour le protéger, me réveille : « on a fait un feu, viens te réchauffer ». Dans un moment de faiblesse je me rendors. Trente minutes plus tard, l’inconnu revient à la charge avec un sandwich tout chaud : « tiens, tu seras mieux après avoir mangé ça ». Je passe ainsi une bonne heure à discuter autour du feu avec ce couple bienveillant sous la lumière naissante du jour. Les rayons du soleil finissent par vaincre le givre répandu au sol me permettant de reprendre la route avec une poche de nourriture gracieusement offerte par les deux Australiens. Alors que je m’éloigne, le sac sur le dos, l’homme me crie : « Tim es-tu un clou ou un marteau ? ». Ma réponse arracha un sourire de son visage : « Un marteau ! » Nous avions passé le petit-déjeuner à refaire le monde…


Un défi sous-estimé

Je traverse Melbourne en auto-stop sans vraiment m’arrêter car je veux rejoindre la côte Ouest le plus vite possible pour ensuite remonter vers le Nord où les températures sont plus clémentes. Et puis, je ne suis pas vraiment intéressé par les grandes villes.

Comme je passe de plus en plus de temps à patienter au bord du bitume, je me décide à demander aux routiers garés sur un parking si l’un d’eux se rend à Adélaïde. J’apprends que nombre d’entre eux n’ont pas le droit de prendre des passagers pour des raisons d’assurance. Pris de pitié après m’avoir vu patienter une heure au bord de la route, l’un d’eux revient vers moi : «  Allez, jette ton sac dans la cabine ! J’imagine que les gens d’aujourd’hui n’ont jamais fait de stop de leur vie… ». Tatouages et piercings sont éparpillés sur son corps. Pas très bavard, je comprends que ce solitaire préfère les animaux à l’être humain. Les soixante-sept tonnes du road-train se ressentent à la moindre aspérité du bitume et la deuxième semi-remorque pousse le camion lors des freinages. À chaque fois que le monstre doit prendre son élan, ses entrailles rugissent et font vibrer la cabine. Quelques heures plus tard, je remercie chaleureusement le conducteur : « Merci beaucoup, tu es quand même vachement sympa pour quelqu’un qui a perdu foi en l’humanité ! »

Adélaïde est derrière moi, les villes se font rares et je réalise que j’ai sous-estimé l’ampleur du défi. La raison est très simple : l’Australie est un territoire quatorze fois plus grand que la France pour seulement vingt-cinq millions d’habitants. Sachant que cinq millions vivent à Sydney et cinq autres à Melbourne, cela ne laisse pas grand monde pour le reste du pays.  Et puis si l’auto-stop était très populaire il y a une trentaine d’années, un tueur en série s’en prenant aux auto-stoppeurs a mis fin à cette pratique en traumatisant voyageurs et conducteurs. Serial killer ou pas, ce n’est pas un secret que l’Homme du XXIe siècle est un froussard. Heureusement pour moi, il demeure une bande d’irréductibles samaritains qui continuent à aider autrui. Ainsi, je suis parfois invité à passer la nuit chez l’habitant lorsque la pénombre gagne du terrain. 


Rencontres du bord des routes

Ce que j’aime dans l’auto-stop, c’est que chaque personne a son histoire à raconter. Je dois bien avouer que certains conducteurs sont plus atypiques que d’autres. Lorsque cette vieille berline grise s’arrête, j’y découvre un homme aux traits tirés et à la peau abîmée par une vie passée dehors. Son chien déborde d’énergie et bouge sans arrêt sur la banquette rabaissée. Je ne tarde pas à découvrir que le conducteur est amputé d’une jambe. Un peu plus tard durant le trajet, il me raconte son terrible accident de travail qui lui coûta un membre inférieur. « J’ai eu une assistante de vie pendant des années mais un jour j’en ai eu marre d’être traité comme un incapable » m’avoue l’homme. « Je peux toujours avancer avec l’autre jambe alors j’ai décidé de profiter de la vie. Dans quelques mois, je partirai vivre sur la route avec mon chien et mon camping-car pour voir du pays ». Voilà qui laisse à méditer dans un monde où la moindre différence avec l’archétype de l’homme « normal » ouvre la porte à des réclamations enflammées pour que la société s’adapte à chaque minorité.

Il est parfois des trajets qui se résument au seul vrombissement du moteur. Le vieil homme qui s’est arrêté est à moitié sourd. Mon accent n’aide pas à la compréhension. Une longue barbe blanche, un chapeau sur la tête et des mains boursouflées par le travail manuel caractérisent le conducteur dont je n’ai pas saisi le prénom. Son regard impassible laisse penser que plus rien ne peut surprendre son esprit. J’imagine qu’il a dû traverser des tempêtes et des fleuves tumultueux qui l’ont conduit à rayonner cette profonde bienveillance. Les voyages muets sont d’une poésie incroyable. 


Le désert du Nullarbor

À la sortie de Port Augusta, je suis pris en stop par Allen qui m’héberge chez lui pour la nuit. Le lendemain, il me dépose à 30 km de la ville à l’intersection de la seule route qui se rend vers l’Ouest australien. Devant moi s’étend le désert du Nullarbor célèbre pour héberger les 146 km de la plus longue ligne droite d’Australie qui ne serait être perturbée par la moindre courbe ! Le décor dans lequel je le trouve donne un bon aperçu de la suite. Aucune ville n’est visible à l’horizon et le soleil matinal inonde de lumière des millions de petits buissons luttant contre l’aridité du sol rocheux.

Porte du Wild West

Chaque dizaine de minutes, un véhicule s’élance vers le « Wild West » et ma silhouette doit rapidement s’estomper dans le rétroviseur. Trois heures plus tard, un road-train se range sur le bas-côté. Le turban et la longue barbe ne laissent pas de doute sur l’origine de son chauffeur : c’est un Indien Sikh. L’Australie a longtemps limité l’immigration non-caucasienne. Depuis une vingtaine d’années, elle s’est ouverte à l’Asie et une part importante des routiers est désormais d’origine Indienne. Ce travail facile mais éreintant permet à un homme de faire vivre toute une tribu en Orient. Les longues heures de travail (plus de 70h par semaine) peuvent paraître interminables pour un syndicaliste Français mais ce n’est rien d’insurmontable pour un Indien ! Et puis la paie est en adéquation avec la quantité de travail puisqu’en moyenne les chauffeurs de road-train sont payés 3000 AUD (1875 € brut) par semaine !

Cette partie de l’Australie est déserte. Seules les roadhouses, stations-services de l’Outback ponctuent le trajet tous les cent kilomètres. Le temps défile étonnamment vite parmi les paysages si monotones. Les histoires du chauffeur originaire d’Amritsar, cœur du Sikhisme, sont divertissantes. Fidèle pratiquant, il garde près de lui poignard et épée. Un jour, il observa un homme en train de se disputer avec sa femme, la querelle tournant au vinaigre, il décida d’intervenir. Je ne peux qu’imaginer le visage terrorisé de l’amant violent lorsqu’il vit descendre cet Indien trapu avec un turban dans les cheveux et une épée à la main. L’accoutrement fit l’effet escompté !

Si les routiers sont bien payés, leurs journées sont terriblement longues. Ils conduisent cinq heures non-stop puis ont droit à trente minutes de pause, cinq nouvelles heures de conduite, une autre pause d’une demi-heure et ils entament la dernière portion de leur temps de conduite. Selon les états et les qualifications des conducteurs la durée totale de conduite peut atteindre quinze heures par jour ! C’est ainsi que je parcours 1 200 km en compagnie de mon nouvel ami Indien.


Un précaire retour à la civilisation

Le lendemain j’arrive à Norseman, première ville après une infinité de terres sauvages. Je m’attendais à un retour à la civilisation mais je débarque dans un village abandonné. Il est trois heures de l’après-midi un samedi et il n’y a personne dehors. La seule activité se résume à cette cantine d’entreprise bondée d’hommes vêtus de vêtements de travail sales : Norseman est une ville minière. Les employés font du FIFO (Flight In Flight Out), c’est à dire qu’ils atterrissent à Norseman à bord de petits aéronefs, travaillent pendant deux semaines puis rentrent à Perth par voie aérienne pour une semaine de repos. C’est d’ailleurs un mécanicien en route pour une mine d’or qui me dépose au milieu de nulle part. Comme plus aucune voiture ne fréquente l’asphalte et que la nuit commence à tomber, je me résous à dormir dans la forêt d’eucalyptus. 

Bloqué dans l’Outback …

Trois heures s’écoulent le dimanche matin et pas une seule voiture ne s’arrête. Je n’avais pas vraiment anticipé le fait que je me retrouverai bloqué et encore moins que le magasin de Norseman serait fermé un samedi après-midi. C’est pourquoi je commence à être juste en termes d’eau et de nourriture. Je prends la décision de faire demi-tour et j’entame une longue marche en direction de Norseman situé à plus de trente kilomètres. Soudain, un grondement brise la quiétude de la forêt : un road-train approche. Le chauffeur qui m’avait vu la veille crie par la fenêtre pour savoir dans quelle direction je veux aller. Je lui hurle en retour : « Esperance ! » Les trois remorques du camion s’immobilisent plusieurs centaines de mètres plus loin. Ce coup de chance inespéré me permet de monter dans ce mastodonte d’acier : 3 remorques, 42m de long, 100 tonnes de minerai pour un poids total roulant de 150 tonnes ! Le road-train fait quotidiennement le trajet entre le port d’Esperance et une mine de lithium située à douze heures de route plus au Nord.

L’ironie dans cette histoire c’est que les 100 tonnes ne contiennent que 5% de lithium. Ces précieux 5% avec les 95% de minerai inutile sont envoyés tels quels dans des vraquiers en direction de la Chine. Après plusieurs transformations effectuées par le méchant pollueur chinois, les voitures électriques sont renvoyées par la mer en Australie où la majeure partie de l’électricité est produite à partir de charbon… Plus je voyage et moins je suis surpris par ces incohérences. Yuval Noah Harari explique dans son ouvrage Sapiens que les contradictions sont le propre de l’Homme qui passe sa vie à essayer de leur donner un sens. Je crois que le voyage pousse au cynisme.


La perle du Wild West

La petite ville d’Esperance est un bijou du Wild West. Ces plages que me font visiter trois jeunes rencontrés spontanément dans la rue sont grandioses. En Australie, il est légal de rouler sur les immenses langues de sable blanc. C’est ainsi que j’ai droit à ma première session de tout-terrain qui se termine par l’ascension d’une formation rocheuse abrupte à bord d’un véhicule tout-terrain.

Wylie Bay Rock avec vue sur la baie d’Esperence

Comme il fait beau, je passe une journée à laver mes habits sous la douche publique installée au bord de la plage. J’en profite aussi pour me baigner mais la température hivernale de l’océan Austral me fait rapidement sortir. Par un heureux hasard, je rencontre Saïda qui m’héberge chez elle pour la nuit.

La journée du lendemain est un peu moins chanceuse puisque je me retrouve bloqué pendant une bonne partie de la journée au bord de la route. Aucune des vingt voitures qui passent en une heure ne daignent s’arrêter. Je dois avouer que les longues heures d’attente me rendent parfois un peu fou et je m’occupe comme je peux. Je m’amuse avec des percussions qui m’ont été offertes par un aborigène, chante avec les oiseaux et joue à la pétanque avec des cailloux… Heureusement que personne ne m’observe… Cinq heures plus tard, je décide de changer de direction. Un camion met fin à mon calvaire et me dépose tard dans la soirée à proximité de Perth. 

Les kangourous sont ironiquement considérés par beaucoup de colons Australiens comme une espèce invasive. En effet, les marsupiaux se nourrissent de la même herbe que le bétail. Jusqu’à présent je n’ai pas vu un seul de ces bipèdes vivants. Nombreux sont ceux qui se retrouvent percutés au bord des routes notamment à la tombée de la nuit. C’est la raison pour laquelle, hors des villes, la majorité des véhicules sont équipés de pare-buffles massifs. Alors que la conductrice fait un détour pour me faire visiter une forêt à l’Est de Perth, je découvre deux kangourous en train de pâturer le beau gazon vert d’un pavillon. Je demande naïvement à la conductrice si ce sont des kangourous sauvages tellement ils ont l’air d’être à leur place au milieu du jardin ! Malgré leur adorable petite bouille les kangourous occasionnent des dégâts importants sur l’environnement si bien que le gouvernement limite la population. En fait, il existe des chasseurs rémunérés par l’état pour les traquer.


Joyeux anniversaire

Perth est le chef-lieu de l’Australie Occidentale qui est grande comme cinq fois la France. Sur les 2,8 millions d’habitants qui peuplent cette région inhospitalière, 2 millions vivent à Perth. Le reste du territoire est inhabité, seule l’industrie minière attire les hommes au fin fond de ces contrées à la terre rouge. 

Jusqu’à présent j’ai été épargné par la pluie mais les prévisions météorologiques pour cette nuit ne sont pas réjouissantes. Dans un élan de stupidité, je décide de dormir dans un parc pour voir si la protection de mon sac de couchage est étanche. Évidemment la nuit n’est pas de tout repos et je me retrouve le lendemain matin avec un beau cadeau pour mon anniversaire : un duvet tout mouillé ! Par chance une heure de soleil suffit pour tout sécher et je passe le reste de la journée à m’extirper des griffes de Perth. La bonne fortune revient vers moi au crépuscule puisqu’un couple de Fidjien fait demi-tour pour me sortir d’un endroit un peu dangereux pour faire du stop. Rayonnants de gentillesse, ils m’offrent (en plus d’un long trajet) mon cadeau d’anniversaire dans une station-service : un café et un sandwich ! 

La veille, les deux Fidjiens m’ont parlé de Shark Bay, un golfe sur la côte Ouest où l’on peut voir les dauphins. Le village semble tout proche de l’autoroute qui remonte vers le Nord alors je demande au conducteur, avec qui je bois quelques bières pendant le trajet, de me déposer à l’intersection. Dès lors, je réalise que j’ai peut-être sous-estimé la distance car Dennam, le village accolé à la baie est en fait à plus de 200 km ! Par chance, je suis rapidement pris en stop par un hippie rentrant chez lui. Rien n’entrave cette route du bout du monde qui serpente à travers un paysage désertique. La voiture s’arrête intentionnellement à Shell Beach pour que je puisse admirer l’une des seules plages de coquillages au monde. Cette bande d’un blanc immaculé s’étale au bord de l’eau sur plus de 16 km. Les petites coquilles de calcaire absorbent les moindres ondes sonores. Le soleil se couche sur une mer d’huile. Le temps se fige dans le silence absolu.

Coucher de soleil sur Shell Beach composée uniquement de coquillages

Le petit village de Denam est si isolé du reste du monde et les alentours si arides que ses habitants doivent compter sur l’usine de désalinisation pour l’eau potable. Le goût est immonde et donne l’impression d’avoir bu la tasse. 

Au petit matin, je me rends à Shark Bay car il est apparemment possible d’aider les rangers à nourrir et observer les cétacés. Ma déception est de taille lorsque j’arrive sur place. Un immense camping bondé de caravanes côtoie l’office du parc national. À l’intérieur, un jeune homme m’explique que la réserve possède déjà suffisamment de volontaires et qu’il faut généralement postuler plusieurs mois en avance… Une question hante mes pensées : comment un parc national peut-il être amené à nourrir des animaux sauvages ? Tout le monde sait que ce genre d’interaction nuit à la faune qui est habituée à trouver sa nourriture par elle-même. Je ne tarde pas à obtenir une réponse. Cette réserve a été créée car les plaisanciers au mouillage dans la baie avaient pris l’habitude de nourrir les dauphins. Ces derniers se retrouvaient ensuite blessés par les hélices des bateaux. Le gouvernement a donc décidé d’intervenir en créant ce parc. Actuellement seulement deux vieux dauphins sont nourris quotidiennement. L’entrée à ce minuscule morceau de plage est payante. Les bénéfices servent uniquement à entretenir ce lieu et les quelques scientifiques présents sur place doivent être financièrement autonomes. L’homme à l’accueil m’avoue que l’idéal aurait été de ne jamais commencer à nourrir les dauphins. Espérons que dans quelques années cette réserve semi-touristique ne soit pas tentée de nourrir de nouveaux cétacés pour maintenir le business à flot… Ne souhaitant pas financer cette industrie un poil malsaine je m’en vais me promener plus loin sur la plage d’où j’observe mon premier dauphin australien.


Tout est question de perspectives

Dans la vie tout est une question de perspectives. Telle est la leçon que je retiens de ce couple namibien rencontré sur le bord de la route. Curieux de voir un auto-stoppeur au milieu de l’Outback, nous avons discuté une dizaine de minutes. Ils m’avaient expliqué que l’Australie était un pays ennuyant car trop sûr. Les serpents, requins et araignées mortelles sont des brebis inoffensives comparés aux hippopotames, hyènes et lions affamés de la savane !

Des heures de route plus tard, je parviens à Exmouth l’une des destinations phare de la côte Ouest. Bon nombre de voyageurs gagnent cette petite ville en hiver où les températures ne descendent pas sous la barre des 20°C. La plage publique est le lieu de rassemblement de tous les backpackers voyageant en van. Ces nomades sur roues se déplacent en bande au gré des saisons, travaillent de temps à autre pour financer les soirées, l’alcool et la fumette qui va avec. Dans la majeure partie du pays, il est interdit de passer la nuit dans son van sous peine d’amende. Ainsi bon nombreux de ces hippies du XXIe siècle jouent au chat et à la souris avec les rangers. Chacun a sa technique et ses petits coins pour échapper au regard aiguisé du ranger qui vient réveiller à six heures du matin les imprudents en quête d’une grasse matinée. 

En passant la soirée avec certains de ces voyageurs, j’apprends avec surprise que de nombreux locaux n’aiment pas les backpackers. Cette information contredit tout ce que j’ai pu vivre jusqu’à présent mais je réalise vite que bon nombre de ces préjugés viennent du fait que les « vanlifeurs » ne se mélangent pas avec la population locale. 


Une faune marine exceptionnelle

Cette petite ville perdue dans l’Outback m’avait été mentionné par un Australien que j’avais rencontré en Grèce alors que je faisais une pause dans un restaurant. Nombreux étaient aussi les Australiens à me vanter les mérites de ce lieu. Mes attentes étaient naturellement assez hautes et je dois avouer être un peu déçu. Le centre d’Exmouth se résume à quelques commerces aux prix exubérants et à des dizaines de campings remplis à ras-bord. Je parviens à dégoter un masque et un tuba bon marché et fais le plein d’eau et de nourriture pour me diriger vers la côte Ouest de la péninsule réputée plus sauvage. Je ne tarde pas à observer mes premières baleines remontant depuis l’Antarctique vers les eaux plus chaudes des tropiques. Un peu plus loin les récifs de Turquoise Bay offrent un lieu magnifique pour observer les poissons multicolores et les coraux bleu azur. Un poil chanceux, j’observerai une raie d’un mètre de large et un requin des récifs d’un mètre vingt caché sous un rocher. 

Comme mon matériel de camping, se résume à un sac de couchage, un bivy et un drap de sac, je peux dormir discrètement dans des parcs ou sur les plages qui se retrouvent désertes en fin de journée. Une fois le soleil couché, les dégradés turquoise s’évaporent, l’océan devient argent. La violence de la houle donne un peu de répit à la barrière de corail. La nuit apaise les mœurs.

Les six litres d’eau que je charrie m’autorisent à passer deux nuits sur les plages sauvages d’Exmouth. Au matin du troisième jour, des traces d’une immense tortue venue pondre sur la plage se trouve à moins de quinze mètres de l’endroit où j’ai dormi. Cette tortue était visiblement un peu perturbée car la saison des pontes ne commence que dans deux mois. L’un de ses œufs n’est pas enterré alors je m’empresse de l’enfouir sous un peu de sable, on ne sait jamais.

Aurore entre les nids de tortues

Si le matin la température augmente lentement jusqu’à ce que le mercure atteigne les 30°C, le soleil lui, ne laisse aucun répit. En route vers le Nord, j’essaie de faire du stop le plus tôt possible pour profiter de l’ombre offerte par les dernières toitures avant le désert sans relief. S’il ne fait pas très chaud, les rayons du soleil brûlent mon épiderme. J’ai l’impression qu’en Australie les UV sont beaucoup plus forts que dans le reste du monde, serait-ce la conséquence du trou dans la couche d’ozone ou à l’inverse à cause du ciel trop pur et exempt de particules fines ? Quoi qu’il en soit, je suis chanceux que cette Chilienne aille exactement dans la même direction que moi. Nous passons deux jours à rouler vers le nord en direction de Broome.

Broome est beaucoup plus authentique, et j’y passe trois jours à alterner entre sport, lecture et baignade. Désormais, je suis dans le territoire des crocodiles marins qui peuvent facilement dévorer un être humain. À proximité de tous les points d’eau un petit écriteau jaune rappelle la présence du prédateur préhistorique. 

Cable Beach

Les aborigènes d’Australie

La route bifurque désormais vers l’Ouest et je me retrouve pris en stop par un aborigène. Nombreuses communautés de ce peuple originel vivent en Australie Occidentale. Beaucoup ont été exterminés par les premières générations de colons et ce n’est qu’en 1967 qu’ils furent reconnus comme citoyens australiens. Aujourd’hui encore, ces populations au savoir millénaire sont victimes du capitalisme et de l’alcoolisme.

Pour racheter son image, le gouvernement australien donne des subventions et des logements aux aborigènes. Le problème, c’est que pendant des millénaires ces nomades ont vécu sans argent ni maison, migrant au gré des saisons. Il est donc difficile pour eux de maîtriser ces billets verts et d’entretenir leur domicile sédentaire. En plus de cela, l’homme blanc a amené avec lui, ce liquide translucide qui fait tourner la tête à celui qui en boit trop. À la différence des Anglais qui boivent de l’alcool depuis des siècles, le corps des aborigènes supporte très mal ce breuvage. Beaucoup perdent la raison ou deviennent violents lorsqu’ils sont sous l’emprise de l’alcool. Et c’est sans parler des drogues dures comme la méthamphétamine qui font un ravage équivalent chez les blancs comme chez les noirs.

Quoi de plus triste que de voir ces indigènes délaisser leurs inestimables savoirs pour aller faire la manche devant un supermarché pour quelques chips et autres boissons sucrées. De tous ceux que j’ai pu interroger, personne n’a connaissance d’aborigènes nomades vivant comme autrefois. Cent ans d’histoire auront suffi à effacer une culture veille de plusieurs millénaires…

Je suis déposé à Horse Creek, un village de l’Outback peuplé majoritairement d’aborigènes. Le soleil s’est couché depuis une bonne heure et le parc dans lequel je fais mes sandwichs est sombre. Alors que je prends mon dîner, un groupe d’enfants curieux s’approche de moi. Après quelques minutes de discussion, ils détalent en courant sans que je ne comprenne pourquoi. Fatigué par la grosse journée de stop, je ne prête pas plus attention à ce comportement anormal et poursuis mon repas. Cinq minutes plus tard, l’un des mômes revient avec quelque chose à la main. Tiens c’est à toi, l’autre enfant l’a piqué dans ton sac. J’ouvre la petite bourse qui se trouvait dans une poche (trop) facile d’accès de mon sac à dos. À l’intérieur je retourne tous les petits objets que l’on m’a donné pour me « protéger » : médaille chrétienne, symbole bouddhiste, petit cristal de quartz, etc… La fausse sympathie de ces jeunes aborigènes était en réalité un stratagème pour détourner mon attention. Je n’attends pas longtemps avant que toute la bande revienne à la charge. Ils semblent obnubilés par le contenu de ce qu’ils avaient dérobé. « Ce n’est rien, ça n’a pas de valeur » leur dis-je pour défausser la question. « Fais attention à tes affaires, gardes-les toujours en vue me dit l’un des garçons ». Plus tard, j’apprendrai que les aborigènes sont très superstitieux et l’idée qu’une malédiction s’abatte sur eux a dû traverser leur esprit lorsqu’ils ont ouvert ce porte-monnaie sans sous. 

Je comprends que je vais devoir être prudent pour choisir le lieu où dormir. Dans la rue, les silhouettes titubent et certains visages sont marqués par la drogue. Un couple saoul me propose de me conduire à un endroit où je pourrais camper en paix. Ils se désintéressent de moi aussitôt que je leur apprends que je n’ai aucun dollar sur moi… Les habitants rôdent dans tous les recoins de la ville, impossible de dormir où que ce soit. Quand tous les espoirs sont perdus il demeure une dernière solution : la religion. Le petit village possède une église que je m’empresse de visiter. Le bâtiment ressemble à un grand hangar. Dans la cour, des fidèles sont assis autour du feu. Deux hommes restent debout : l’un avec une guitare et l’autre s’occupe de dire les prières. J’observe la scène une dizaine de mètres derrière le grillage lorsque je suis invité à joindre le cercle. Seul blanc dans la cour, j’écoute attentivement les prières des uns et des autres. Le gospel et les célébrations sont un moyen de tisser des liens et de résoudre les problèmes de la communauté.  Suicide, référendum national pour donner plus de poids aux aborigènes au parlement (une porte ouverte à la ségrégation selon eux), alcoolisme et petits potins sont abordés. Les prières sont interrompues par les parents qui hurlent sur leurs enfants pour qu’ils quittent la route où ils jouent sous peine d’être écrasés par un chauffard. Autour du feu, un homme ivre se met à pleurer. Il jure que toutes les nuits Dieu lui montre l’enfer. Luttant pour rester debout, il implore le seigneur que ses enfants ne tombent pas dans l’alcoolisme. À la fin de la cérémonie, je suis autorisé à dormir dans l’église qui est d’après les fidèles le lieu le plus sûr du village.


Heureuses rencontres

Je m’extrais de ce lieu peu recommandable avec la rencontre de Mariane et Raphael. Venus travailler dans la prochaine ville, nous passons deux jours ensemble à faire des activités typiques australiennes : baignade dans une rivière infectée de crocodiles, camping et promenade dans le bush de nuit avec une lampe torche. Des bières bien fraîches nous accompagnent pour aller pêcher le Barramundi depuis leur bateau dont le moteur capricieux nous oblige à nous faire remorquer par un autre plaisancier avant de ramer jusqu’à la rampe d’accès. 

Ord River

J’essaie de m’extraire de Kunnanarra en faisant du stop sous la chaleur grandissante du matin en face d’un baobab géant typique du Kimberley. Le propriétaire du pickup qui s’arrête me propose un marché pas courant. Alex et sa famille sont en plein déménagement et deux bras de plus ne seraient pas de trop. Je pourrais ainsi voyager avec eux jusqu’à la côte Est. L’idée d’être réveillé la nuit par des aborigènes me menaçant avec des lances (ce qui est arrivé à une backpackeuse), de me faire dévorer par un crocodile dans mon sommeil ou de rester coincé au milieu du désert, a été au centre de mes préoccupations ces derniers jours. Ainsi, j’accepte volontiers le marché et aide Alex, Rebecca et leurs trois enfants à faire les cartons.

Un matin, Alex m’emmène faire un peu de tout-terrain. Nous empruntons des pistes poussiéreuses, traversons une rivière à gué, roulons sur des galets pour observer des crocodiles marins. À la différence de leur cousin les crocodiles d’eau douce, les marins sont beaucoup plus gros, peuvent vivre à des centaines de kilomètres de la mer et ne pas manger pendant des mois. Cet animal préhistorique est un chasseur opportuniste qui n’hésitera pas à manger un homme à la routine prévisible (comme se baigner au même endroit à la même heure). J’ai entendu plusieurs histoires d’Australiens dont leurs proches ont disparu près de l’eau. L’idée qu’au XXIe siècle, malgré l’extinction de masse provoquée par l’homme, des irréductibles animaux peuvent encore nous faire la peau me réjouit.

La maison vidée, je parcours 2000 km avec la famille et leurs quatre chiens. Nous faisons quelques haltes : sources d’eau chaude, pub iconique de Daly Waters et roadhouses pour passer la nuit. Le soir, je partage la chambre et le repas avec la famille. Je goûte au Barramundi et au crocodile qui a la texture du poulet et le goût du poisson. Le nord-ouest du Queensland abrite le pub où a été filmé “Crocodile Dundee” devant lequel passe la route nationale A2. Nous traversons aussi le minuscule village de Winton où un immense Boeing 747 marque le berceau de la compagnie nationale Quantas.


De retour sur la côte Est

Je quitte la famille pour continuer tout droit vers l’Est. Je passe un village minier qui attire des profils de tout le pays avec ses perspectives de rémunération élevée : 4 000 AUD (2500 € brut) par semaine ! Enfin, je retrouve l’océan Pacifique sur la plage de 1770 nommée après l’arrivée du capitaine Cook la même année. 

Alors que je me baigne dans une crique déserte, un aileron attire mon attention. Je sors immédiatement de l’eau pour découvrir qu’il s’agit en fait d’un dauphin. Je passe une demi-heure à observer le groupe de six cétacés avec un bébé en pleine chasse. Rapidement, ce recoin sauvage voit apparaître des pêcheurs lançant leurs lignes vers le malheureux banc de poisson poussé vers le rivage. Un surfeur profite de la longue houle. Soudain le groupe de dauphins se rapproche de la plage. Je comprends que c’est pour moi le moment où jamais de me mettre à l’eau. Équipé de lunettes de piscine et d’un tuba, je nage en direction des cétacés. La houle ne me facilite pas la tâche et je garde à l’esprit la mise en garde de la plage d’à côté concernant les forts courants marins. Les dauphins s’approchent et s’éloignent de la plage à une rapidité fulgurante. L’eau est glaciale mais je persiste dans ma quête. Tout à coup, j’aperçois un aileron à la surface. Le battement de mon cœur s’accélère, ma vision se rétrécit et mes glandes surrénales lâchent une dose d’adrénaline dans mon sang. Je sens que l’animal est tout proche. La houle rend l’eau trouble et limite la visibilité. J’ôte mes lunettes pour nager à la surface. Je ne prête plus attention au courant et m’éloigne du rivage. C’est à cet instant précis que le groupe refait surface à une dizaine de mètres devant moi et m’octroie le privilège de nager à ses côtés pendant une dizaine de secondes !

1770 Beach

En faisant du stop en direction de Brisbane, je rencontre Brad. Cheveux courts, la moustache bien fournie et un vendre rond font de lui l’archétype australien. Sa soif d’aventures l’a poussé à quitter son excellent poste de chef de projet pour voyager à travers son pays avec son « troopy ». Ce Toyota Land Cruiser blanc dont la fiabilité légendaire est à l’image de sa carrière longue de 60 ans ! Nos points d’intérêt et notre vision du monde convergeant, Brad m’invite chez son ami Bill pour la soirée. Je découvre cet entrepreneur à succès dans la demi-pénombre d’un feu de camp au pied d’une modeste maison. Après quelques verres, Bill propose à son fils de prendre quelques jours de repos pour me faire visiter les environs. Ainsi, je passe trois jours avec Brad et Ted à gravir des pentes extrêmement raides en 4×4, rouler sur les plages et camper au coin du feu. Les Australiens adorent la bière et sont de redoutables buveurs de spiritueux. S’il y a deux choses que les « Aussies » prennent au sérieux en dehors de l’alcool ce sont : le café et le camping. Pour l’une discipline comme pour l’autre, les Australiens possèdent le meilleur matériel possible de la machine à café italienne aux « swags » ces tentes de brousse ultra confortables qui s’installent en quelques minutes.

Glasshouse Mountains

Mon matériel de camping fait rire mes deux amis qui, à la lumière du jour, ont cru voir un « sac mortuaire » posé au sol. Depuis le début de l’aventure sur cette île du bout du monde, je n’utilise ni tente ni matelas. Mon corps s’est habitué à l’irrégularité du sable comme à la dureté des chapes en béton. Je ne dors jamais aussi bien qu’à l’extérieur lorsque je suis invité à passer la nuit sous un toit car mon horloge biologique s’est synchronisée avec le rythme naturel du soleil. Je crois que je suis en train de devenir sauvage. 

Les quatre jours passent à une vitesse inouïe. Les journées sont rythmées par la mélodie de la viande crépitant au-dessus des flammes et au sifflement des canettes de bières. On ne pourrait pas faire plus typique.


Retour au point de départ

Plus au sud, Byron Bay marque le cap Ouest du continent australien point de passage obligé des baleines australes. Ces animaux majestueux célèbrent le passage de la péninsule rocheuse à grands coups de nageoires pectorales et d’acrobaties aériennes.

Cape Byron

Je rencontre Melody avec qui je passe une semaine à faire un Workaway. Le principe est simple, je travaille pour elle quatre heures par jour en échange de l’hébergement pension complète. Mère célibataire, elle élève seule son fils Zéphyr de 10 ans qui adore démonter les vélos au point de ne plus savoir les remonter. Ainsi, je passe une semaine à faire de petits bricolages et du jardinage. Melody est une excellente cuisinière qui fait des merveilles avec quelques légumes, les plantes du jardin et des épices. Voilà qui me change des sandwichs et des boîtes de thon !

Le reste du voyage en direction de Sydney est banal. Je suis hébergé une nuit chez une famille dont le père vient de sortir de prison, je passe une journée avec un Australien à découvrir un parc s’occupant de koalas blessés ainsi qu’un joli village balnéaire. Enfin, j’achève le tour de l’Australie avec un « Timothée » qui me conduit dans un quartier à l’Ouest de Sydney depuis lequel je prends un bateau pour rallier le Sydney Opera House symbole de l’Australie.

Même si j’ai parcouru une grande partie de ces 10 000 km confortablement assis sur le siège passager, le soleil, le froid, le vent, l’eau salée et la nourriture de qualité médiocre ont fatigué un peu plus mon corps qui a déjà bien œuvré ces dix derniers mois. Je sens qu’il est temps pour moi de reprendre le chemin de la maison. Mais avant cela deux étapes s’imposent et le premier stop n’est autre que la Nouvelle-Zélande !

2 réponses sur “L’île continent en auto-stop”

  1. Hello, on a loupé plein d’étapes, je te croyais en Inde!! Et je découvre que tu te rapproches de nous 😉 bientôt en Nouvelle Zélande alors? On va se mettre à jour des derniers articles. Bises des Kissanga 🙂

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