Europe de l’Est
Arrivé sur le sol ukrainien, je m’aperçois que j’ai oublié un peu trop vite mes cours de géopolitique. En effet, je pensais naïvement que j’atterrirais en Europe et que je pourrais utiliser mes euros. Mais je me rends rapidement compte que l’Ukraine a sa propre monnaie et ne fait pas partie de l’espace de Schengen.
Je me suis quand même un peu renseigné ; et apparemment, il est assez facile de faire du stop en Ukraine. Mais cette facilité apparente cache une difficulté moins évidente. En effet, si le stop fonctionne bien en Ukraine, il faut la plupart du temps payer le conducteur. Car c’est un pays relativement pauvre et certaines personnes ont jugé bon d’arrondir leurs fins de mois en se transformant en « taxi illégal ».
Alors avant de monter dans une voiture je dois m’assurer que le conducteur est enclin à m’offrir le trajet.
Par ailleurs, le signe pour arrêter une voiture diffère par rapport aux autres pays que j’ai pu visiter jusqu’à présent. En Ukraine (et dans certains pays de l’Europe de l’Est), on tend le bras à l’horizontale et on fait (avec la main) signe à la voiture de ralentir.
Comme le stop est « payant » seuls les conducteurs ayant une ouverture d’esprit suffisante pour comprendre le principe du « stop gratuit » s’arrêtent pour me prendre. Ainsi, la plupart de ces personnes parlent anglais (ce qui n’est pas le cas pour la majeure partie des Ukrainiens).
Culture soviétique
Très vite, je découvre une Ukraine rude, dure et froide. En effet, le conducteur m’apprend qu’il y a actuellement une guerre entre l’Ukraine et la Russie. Il a lui-même été blessé par trois fois lors de ces affrontements (Grenade, tir de tank et obus). J’apprends aussi qu’il est possible (relativement facilement) d’obtenir armes et faux documents en Ukraine…
Je me rends à Odessa et en voyant les grands bâtiments sombres, je ne peux qu’imaginer les hivers froids et rigoureux. Mais le soleil et le ciel bleu ont réchauffé la ville et les habitants profitent de la chaleur estivale pour se dorer au soleil. Cependant, seuls les moins frileux se baignent dans les eaux fraîches de la mer noire. En clair, les Ukrainiens font leurs réserves de lumières avant que la belle Odessa ne se rendorme pour l’hiver.
La suite du voyage est difficile, je dois marcher plusieurs kilomètres pour sortir de la ville sous la chaleur accablante de l’été. Certaines voitures (principalement de vieux véhicules en mauvais états) s’arrêtent et repartent aussi tôt que je prononce les mots « no money »…
Heureusement, je suis pris en stop par un jeune couple qui comprend le principe du stop gratuit. Je passe ensuite une bonne heure à agiter ma main sans résultats.
Même sans bouger au bord de la route, je me déshydrate à une vitesse impressionnante. Comme personne ne s’arrête (hormis les quelques voitures qui me demandent une participation financière) et voyant mes réserves d’eau diminuer; je me décide à marcher sous le soleil de plomb jusqu’à la prochaine station-service située 4km plus loin. L’effort et la chaleur rendent la distance infiniment plus longue. La tête baissée, je n’ai qu’une chose à l’esprit : arriver à la station et boire de l’eau (il y a généralement un robinet dans les toilettes). C’est alors que j’aperçois un fourgon faire marche arrière sur le bord de la route.
Loin de l’Ukraine des clichés
Un couple sort, ils ne parlent pas un mot d’anglais, nous communiquons grâce à mon application de traduction hors ligne. Ils vont faire 80km dans la même direction que moi; je monte à l’arrière du fourgon où repose encore une mince couche de paille. En effet, mes sauveurs possèdent une petite ferme et rentrent chez eux après avoir vendu certains de leurs animaux à Odessa la grande ville de la région. À mi-chemin, le fourgon s’arrête, le couple ukrainien me paye un café et me propose de passer la nuit chez eux.
C’est ainsi que je fais la rencontre de l’Ukraine authentique. Leur ferme est en fait le jardin de la maison. Ils possèdent une de dizaine de chèvres, des poules, quelques oies et une vache. On m’offre à manger, à boire. Puis je propose mon aide : nous allons donc transporter dans le fourgon des petits ballots de paille.
Le soir dans les rues, les enfants jouent les uns avec les autres, ils sont libres de courir partout et dans tous les terrains. Pendant ce temps, nous buvons un café sur une table pour le moins originale. Car c’est dans la rue et sur le capot d’une vieille voiture soviétique que reposent nos tasses.
Dans le village tout le monde se connaît, j’ai l’impression d’être dans la campagne française des années 60. Les gens s’entraident et semblent parfaitement satisfaits de ce mode de vie. Ce petit village respire la joie et la bonne humeur. Mes hôtes veillent à ce que je ne manque de rien et sont extrêmement attachants.
Je suis surpris de constater le grand nombre d’arbres fruitiers qu’il y a en Ukraine. Après souper, en se promenant dans le petit village, mon hôte me montre les fruits comestibles le long de la route : cerises, abricots, prunes, tubercules, pommes, cassis et bien d’autres encore. Deux choses peuvent expliquer la présence accrue de ces arbres fruitiers.
Premièrement, c’est la pauvreté, car le salaire minimum en Ukraine est de deux cents euros (mensuel), ces arbres représentent une source de nourriture gratuite et non négligeable pour les familles qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Deuxièmement, la terre riche et fertile est propice au développement de ces arbres. D’ailleurs, l’Ukraine est une ferme géante, car en dehors des grandes villes il n’y a que d’immenses cultures. À ce propos, je remarque une présence accrue des champs de tournesols.
Le lendemain, j’accompagne mes hôtes à une source sacrée (c’est un peu le Lourdes de l’Ukraine en beaucoup moins touristique). En effet, les Ukrainiens sont très pieux. D’ailleurs, mes hôtes bénissent à chaque fois la nourriture avant de manger et font le signe de croix à trois reprises chaque fois qu’ils passent devant une église ou une croix.
Ils seraient prêts à m’adopter, mais comme toujours je dois continuer mon voyage.
Les frontières défilent
Roumanie
Je traverse la frontière moldave puis quelques kilomètres plus loin, j’entre en Roumaine. Parfois à la frontière les douaniers sont un peu surpris de voir un passeport français et un gros sac à dos.
Dans ces cas-là, ils me questionnent :
"Mais qu'est-ce que tu fais ici ?"
Alors je leur réponds :
"Beh, je voyage !"
Puis il s’en suit une inévitable fouille de mon sac qui s’arrête aussitôt que les douaniers comprennent que tout est tassé à l’intérieur. D’ailleurs, cela relève selon moi plus de la curiosité que d’autre chose.
Loin des idées reçues dévalorisantes, la Roumanie est un pays accueillant. Je serai d’ailleurs invité à dormir chez l’un de mes conducteurs.
Ensuite, je traverse le Danube cet immense fleuve, qui depuis l’Allemagne serpente toute l’Europe avant de se jeter dans la mer noire. C’est lui qui fait office de frontière entre de nombreux pays et notamment entre la Roumanie et la Serbie.
Serbie
Côté serbe, le trafic est dérisoire et comme toujours je suis acquitté de nombreuses heures d’attente par des routiers. Ces amoureux de la route sont de véritables anges gardiens pour les routards comme moi.
La partie nord de la Serbie frontalière avec la Roumanie est magnifique. Je m’arrête quelques minutes pour contempler la Forteresse de Golubac construite au XIVe siècle. Perchée sur son promontoire, la belle vêtue de sa robe crème surveille toujours les immenses barges évoluant lentement sur le Danube.
La route se faufile à flanc de montagne suivant inéluctablement le Danube. Après plusieurs dizaines de kilomètres, les deux amants se séparent et je rejoins le centre du pays. Alors que le nord du pays était montagneux et très boisé le centre est lui parsemé de cultures : mais, tournesol, blé.
Encore une frontière traversée, je suis maintenant en Croatie.
Comme vous pouvez le constater, j’ai traversé plusieurs pays de l’Europe de l’est assez rapidement. En fait, j’ai parcouru plus de 1600 kilomètres en trois grosses journées de stop afin de rejoindre ma famille en vacances en Croatie !
Merci beaucoup à :
Vladko ;Raol, Jon and Armando ;Stoyan ;Miloche ;Marvin, Baeleram, Sama ;Nicolas, Alexandra y Maria ;Herman ;Adrien ;Dorin ;Dan ;Tika ;Madeline senior and Madeline Junior ;Bogdan ;Alescendro ;Arthur ;Antonio ;Dimi, Petoshort ;Aorel ;Voba, tonia and vika ;Tania and Vadim ;Vitali, Lisa and Vika ;Philippe ;Alex
Salut Timothée !!
Beau journal de voyage !
Un grand merci !
Tu reviens avec des idées claires pour ton futur proche , c’est formidable !
Bon courage pour la rentrée…..!!
Et les ucrainiennes …au fait ……tu n’a pas voulu en adopter une ?
Jean-Marc
Salut Timothée,
Belle boucle de la jolie boule bleue qui se termine dans le bleu de l’Adriatique, face à Venise, longtemps reine de la Méditerranée.
Bravo.
Juste une requête: que tu continues ton blog pendant tes études !
C’est trop bien de te lire 😉
Dany & Jean-Luc
Bonjour Timothée,
Bravo pour ce beau tour du monde auquel tu as su magnifiquement nous associer. Non seulement tu as appris mille et une choses par tes rencontres et des déplacements vers l’inconnu,, mais tu as aussi appris sur toi-même, tes motivations, …
En quelque sorte, le spirituel s’épanouit au contact du terrain.
(En écrivant cela, je ne te cache pas que ma pensée s’est mise à évoquer saint Benoît et sa fameuse règle millénaire.)
Merci
A bientôt.
Emmanuel
Merci de nous avoir fait participer à ce grand périple. Le récit de tes aventures mériterait d’être pérennisé sur un support adapté à une plus grande diffusion. Nous espérons que cette très riche expérience te permettra d’aborder sereinement les études complémentaires que tu envisages.
bon retour ; ton expérience de vie parmi tous ces peuples constitueront pour toi un dictionnaire des relations humaines ; ces voyages t auront permis de connaitre les autres et de mieux te connaitre . En tout cas nous aurons voyager avec toi par tes récits qui ont toujours su nous captiver famille colombo