Au-delà des challenges qu’elles représentent, les crises offrent aussi des opportunités à ceux qui savent les saisir.
Fin décembre, alors que je suis toujours en train de réaliser un stage à Amsterdam, la situation sanitaire se dégrade aux Pays-Bas. Je décide alors de finir cette expérience en télé-travail depuis la France (c’est une bonne excuse pour passer les fêtes de Noël en famille). Un peu frustré que le covid m’ait obligé à partir aux Pays-Bas alors que je vissais des destinations plus exotiques, je me dis que je pourrais peut-être utiliser cette pandémie à mon avantage. D’autant que j’ai une semaine de congés à prendre.
En effet, si les gens ont peur de voyager ou s’ils sont tout simplement confinés, cela signifie qu’il y aura moins de voyageurs et que les prix seront potentiellement plus bas. Je croise donc mes trois critères pour choisir ma destination : le pays doit être ouvert aux Français, les billets d’avion bon marché mais avant tout le lieu doit m’attirer ! Je conclus de mes recherches que j’ai le choix entre l’Afrique du Sud, le Brésil ou la Suède.
Le soir du nouvel an, je parle de mon projet de voyage à mes amis. Camille et Gauthier me dissent qu’ils me suivront si je pars en Suède. Et c’est ainsi que nous réservons la semaine suivante nos billets pour Stockholm.
Stockholm
Nous décollons de Toulouse en direction de la Suède. En ce mois de janvier glacial, nous passons la nuit à l’aéroport Charles de Gaulle entre les nombreux SDF venant trouver un peu de réconfort contre les chauffages tièdes. Le lendemain nous atterrissons à Stockholm capitale de la Suède. La température frite avec le zéro et la neige drape les bâtiments.
Je retrouve un peu le style architectural Néerlandais avec ces bâtisses imposantes, multicolores et ornés de décorations diverses et variés. Bonne nouvelle, ici le masque n’est obligatoire nulle part et les différents lieux d’hébergements et de restaurations restent ouverts. Seul bémol, les musées ainsi que les saunas sont fermés, mais ce n’est pas bien grave, il y a beaucoup de choses à découvrir.
À l’image d’Amsterdam, la capitale suédoise est bâtie au plus près de l’eau. En effet, Stockholm a été construite sur 14 îles et comprend une cinquantaine de ponts. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’elle est surnommée « la ville entre les ponts ». Nous visitions la petite île où siège le parlement avant de déambuler sur les rues pavées de Gamla Stan, le vieux Stockholm. C’est ici que siège le Palais Royal avec la garde qui se relève comme en Angleterre. Car oui, la Suède est une monarchie constitutionnelle dirigée par Charles XVI Gustave. Nous nous rendons ensuite sur l’île de Skeppsholmen où un vieux 3 mâts a été réhabilité en hôtel. Nous achevons la visite par l’île de Djurgården sur laquelle se dresse le plus vieux musée à ciel ouvert du monde : le musée Skansen.
En route vers le pays du Père Noël
Quand on vient en suède en plein hiver c’est avant tout pour apprécier les somptueux paysages enneigés. Et quoi de mieux que le pays du Père Noël pour assouvir un tel désir. Nous embarquons dans le train de nuit à destination de Kiruna située à plus de 140 km au Nord du cercle polaire arctique. Le voyage dure 15h mais cette ligne de train est le moyen le plus économique pour se rendre au nord de la Suède.
Nous arrivons vers 9h et l’aube n’a toujours pas fait place à l’aurore ce qui donne des couleurs divines à l’atmosphère. En effet, malgré le fait que les journées comment à rallonger, le jour ne dure encore que cinq petites heures. Nous nous équipons pour sortir de la chaleur douillette du wagon. À ma première inspiration, je sens l’air frais glacer mes poumons, il fait -18°C. Le froid est sec, ce qui signifie que le ressenti n’est pas si mordant tant que l’on reste en mouvement.
Nous nous rendons à l’hôtel où doit nous attendre une personne pour faire l’état des lieux de la voiture que nous avons louée. Lorsque nous nous présentons au comptoir, la dame me remet une poche avec les clés, elle n’est que l’intermédiaire et me dit d’appuyer sur la clé pour trouver la voiture. Première surprise, ici il n’y a pas d’état des lieux, la confiance est totale.
Abisco
Si la Suède était sur ma liste des pays à visiter c’est pour une bonne raison. J’ai depuis toujours rêvé de voir une aurore boréale de mes propres yeux. Voilà pourquoi, nous nous dirigeons vers le parc naturel d’Absico propice aux observations de ces phénomènes météorologiques exceptionnels. Le thermomètre de la voiture indique -24°C , nous sommes trois gosses devant ces paysages immaculés.
Je repère un immense lac gelé sur le bord de la route, nous nous arrêtons pour fouler des pieds de cette eau immobile. Quelques personnes ont revêtu leurs patins pour profiter de ce terrain de jeu infini. Sous la pression immense de la glace qui se fend, le lac joue une sourde mélodie qui vient donner un souffle de vie à ce décor inanimé.
Après avoir roulé une centaine de kilomètres sans voir la moindre trace de vie, nous arrivons à l’entrée Absico. Il n’y a que quelques petites maisons qui se morfondent avec l’immensité de la nature. Nous choisissons de faire une marche pour casser la croute sur un point de vue. L’idée était bonne sur le papier, mais le fait d’être au sommet d’une petite colline nous expose au vent soutenu qui glace nos membres. Malgré un petit feu que nous fait, nous choisissons de retourner au chaud dans la voiture.
En attendant la nuit qui tombe à 15h sous ses latitudes, nous visitons les environs depuis la voiture. Nous avons la chance de voir un renne sauvage évoluer dans la neige juste à côté de la route. Il fait maintenant nuit et nous décidons de faire un somme jusqu’à 20h, heure à laquelle nous aurons le plus de chance d’apercevoir des aurores boréales.
Un rêve réalisé ?
Malgré les nuages, nous marchons vers le lac gelé emmitouflés comme des bonshommes Michelin. Nos yeux sont fixés vers le ciel. Il y a de drôle de traces légèrement colorées à travers les nuages. Nous ne savons pas de quoi il s’agit. Gauthier sort son téléphone portable pour essayer de capter les faibles lumières. Après une pose de plusieurs secondes, le verdict tombe : une trace verte est présente sur la photo. Ce sont bien des aurores boréales, mais les nuages les rendent difficilement observables à l’oeil nu.
Nous faisons le choix de partir nous coucher, quitte à se réveiller plus tard dans la nuit. Alors que Gauthier et Camille vont dormir dans la voiture, je fais le choix de passer la nuit à la belle étoile. Comme cette partie de la Suède est soumise à un micro-climat, la température ne devrait pas dépasser les -10°C cette nuit. Je m’installe dans la forêt en prenant soin d’avoir une vue dégagée sur le ciel.
Vers 2h du matin, je m’éveille vaguement. J’ouvre les yeux et découvre avec stupeur cette immense lumière qui danse dans le ciel. Les nuages ont laissé place au spectacle . Au loin j’entends les cris de joie poussés par les touristes alors que la lumière verte danse vigoureusement. Je préviens mes compères par téléphone pour qu’ils puissent eux aussi profiter de cet instant incroyable. Au chaud dans mon sac de couchage, je suis reconnaissant d’être aux premières loges de ce rêve éveillé.
Road-trip en Laponie
Après s’être remis de nos émotions de la veille, nous profitions d’une journée ensoleillée pour faire une randonnée dans le parc d’Absico. Les paysages sont splendides et nous découvrons les cascades sculptées avec grâce par le gel.
Nous prenons ensuite la route de Lulea, 300km plus au sud. La conduite sur les routes enneigées n’est pas différente que celle sur le bitume. Les voitures sont toutes équipées de pneus cloutés et de différents systèmes électroniques qui rendent le véhicule sûr. En fait tant que la température est négative, il n’y a pas de risque de perte de contrôle. Le danger vient plus tard au printemps lorsque le thermomètre passe légèrement au-dessus de zéro. Car la neige fond, et se transforme en plaques de verglas pendant la nuit.
En fin de journée, nous arrivons à Lulea. L’ambiance y est bucolique. La lumière chaude des réverbères met en valeur les jolies maisons de bois aux couleurs pastel. La neige a absorbé tous les bruits et il semble que cette ville soit plongée dans une profonde quiétude.
Le lendemain, nous remontons vers Kiruna et repassons au dessus du cercle polaire article (située à 100km au sud de Kiruna). Nous nous arrêtons au « village-église » de Gammelstad inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce petit village a pour particularité d’avoir des centaines de cabanes rouges construites autour d’une église et d’un immense cimetière. En fait, ce village n’était autrefois animé que les dimanches pendant lesquels les habitants de la région se déplaçaient pour assister à la messe. Le reste de la semaine, c’était une véritable ville fantôme.
Un pas dans la culture Samis
De retour à Kiruna, nous allons visiter un musée qui retrace la vie des Samis, ce peuple autochtone dont le territoire s’étend à toute la Laponie. Depuis des milliers d’années, ils vivent de l’élevage de rennes ainsi que de la pêche. Ils utilisent la Lavvu, sorte de tipi pour suivre leurs troupeaux et s’abriter du grand froid. En face de ce musée, se trouve ironiquement l’habitat de l’homme moderne fortuné : l’hôtel de glace. Construit à partir d’immenses blocs de glace découpés dans le fleuve, il accueille ceux qui sont prêts à dépenser un beau billet en échange d’une nuit atypique.
L’après-midi, nous décidons de partir gouter du renne comme il se doit. Après avoir traversé un lac gelé, nous récoltons du bois mort pour faire un feu. La tâche est ardue car en Laponie, la neige est complètement « sèche » et ne se tasse pas sous les pieds. Pas facile donc d’évoluer dans 50 cm de poudreuse. Mais nous parvenons à nos fins et dégustons notre morceau de renne grillé comme il se doit.
Bouquet final …
Au terme de ce voyage, nous avons prévu de finir en beauté avec une ballade à traineau. Nous avons sélectionné un organisme qui permet de piloter soit même le traineau. Arrivés sur place nous constatons l’avantage de voyager pendant le covid. Nous ne sommes que 5 au total ! Les chiens sont surexcités et impatients à l’idée de partir. Ils aboient, grattent la neige et sautent dans tous les sens.
Il y a une grosse griffe à l’arrière des traineaux qui permet de freiner et de retenir l’énergie débordante de ces chiens. Mais même avec tout moins poids dessus, les 4 chiens de mon attelage parviennent à faire bouger le traîneau. C’est d’autant plus surprenant que ce ne sont pas de gros molosses. Certains doivent à peine faire 20kg. Pourtant dès que je lâche le frein, je dois me cramponner pour ne pas être éjecté à l’accélération. La vitesse de croisière d’une vingtaine de kilomètres par heure permet d’apprécier une fois de plus la beauté de cette nature envoutante.
À l’issue de cette belle expérience nous discutons avec deux jeunes belges qui nous apprennent que leur train a été annulé. C’est avec stupeur que nous découvrons qu’ils ont réservé le même train que nous… Celui-ci doit nous conduire à Stockholm pour la fin de notre séjour.
… ou séjour prolongé ?
De retour à Kiruna, nous essayons en vain de joindre la compagnie ferroviaire. Comme il n’y a pas de gare à Kiruna (juste un quai), nous allons à l’office de touriste. De nombreux voyageurs se trouvent aussi dans le même cas que nous. De fortes chutes de neige au sud ont bloqué les trains… Le problème c’est que notre avion pour Paris part dans 36 heures et nous sommes toujours à plus de 1000km de Stockholm.
Nous évaluons toutes les possibilités. D’abord la voiture mais nous changeons vite d’idée après avoir pris connaissance du surcoût pour déposer la voiture à Stockholm : 700€. D’après les locaux, le train risque d’être stoppé pendant plusieurs jours… Nous devons nous rendre à l’évidence : décaler notre vol pour la France et réserver une chambre d’hôtel pour la nuit. Après avoir fait changer nos billets deux fois auprès d’AirFrance et réservé un billet d’avion Kiruna – Stockholm, nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Nous apprenons que notre cher président a imposé de nouvelles règles pour rentrer en France. À cause de ce train annulé, nous devons maintenant obtenir un test PCR pour rentrer chez nous. Le problème c’est qu’en Suède les tests ne sont pas réalisés si l’on n’a pas de symptômes et allez trouver un test PCR au fin fond de la Laponie… Si l’on en croit le nouveau décret, nous ne pourrons pas monter dans l’avion. Bref, nous sommes coincés dans une « boucle sans fin ».
Nous profitons de nos deux jours supplémentaires pour visiter la ville minière de Kiruna. C’est ici que réside l’une des plus grosses mines de fer au monde. Elle rapporte tellement d’argent, qu’une partie de la ville va être déplacée pour continuer l’exploitation. Nous avons la chance de pouvoir utiliser le sauna de l’hôtel malgré les restrictions et passons deux jours à essayer de comprendre comment nous allons pouvoir rentrer en France.
La compagnie aérienne nous étant d’aucun secours, nous nous présentons deux jours plus tard à l’aéroport de Stockholm. Finalement, on nous laisse monter dans l’avion sans nous poser de questions. Arrivés à Paris Charles de Gaulle, nous avons droit à un test PCR. Je demande alors à l’infirmière que ce serait-il passé si j’avais été positif ? Ce à quoi elle me répond: « rien, on vous aurait juste expliqué quoi faire pour votre quarantaine, mais vous auriez pu prendre votre avion normalement ». Cette dernière remarque se passe de tout commentaire…
Ravis d’avoir de tes nouvelles.
Bravo pour le voyage
Tes études se terminent quand ?